Le concept de « la libéralisation de l’alimentation  » existe depuis un certain temps dans les résidences pour personnes âgées, mais il suscite de plus en plus d’intérêt alors que l’on comprend mieux l’importance de l’alimentation sur la qualité de vie et la santé de ces personnes. Cette approche est désormais présentée dans différents guides de référence tels que le document « Planification des menus dans le cadre des soins de longue durée (2020) » de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, et de Les Diététistes du Canada ; il s’agit d’un guide pertinent pour la planification des menus au Canada. Si vous ne l’avez pas encore fait, c’est le moment de commencer à évaluer si cette approche pourrait être adoptée dans votre résidence.

Que sont exactement les régimes libéralisés ?
En résumé, un régime libéralisé est un régime non restrictif ou non thérapeutique. Concrètement, cela signifie que les résidents souffrant de diabète, par exemple, ne sont pas soumis à un « régime diabétique » distinct, mais suivent le régime alimentaire régulier. Selon cette définition, les régimes libéralisés peuvent être perçus à tort comme un manque d’importance envers la santé des résidents, alors que ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, l’adoption d’un régime libéralisé correspond à un changement de priorités pour la personne âgée. D’un autre côté, une personne diabétique plus jeune, vivant à la maison, peut avoir comme objectif de préserver une bonne glycémie. Cette même personne, 30 ans plus tard et vivant en établissement de soins, peut avoir comme objectif principal de profiter de la vie et de maintenir son poids corporel.

Bien que le contrôle de la glycémie reste important, il faut tenir compte d’autres menaces pour la santé de la population vieillissante. La qualité de vie est désormais primordiale ; la perte de poids et la malnutrition constituent un risque plus important pour leur santé que l’élévation de la glycémie. En fait, c’est exactement cette approche qu’approuve Diabète Canada, qui déclare : « Chez les résidents âgés des établissements de soins de longue durée, on peut utiliser des régimes réguliers plutôt que des “régimes diabétiques” ou des formules nutritionnelles. » Ce changement de priorités pour les personnes âgées est ce qui incite les résidences à libéraliser les régimes alimentaires ; mais il importe de le faire correctement.

Il peut arriver que certaines personnes aient des doutes sur la sécurité d’un régime libéralisé. En effet, le personnel clinique, les membres de la famille et les résidents eux-mêmes peuvent s’inquiéter des conséquences qu’un changement de régime alimentaire peuvent avoir sur leur santé. Un établissement qui souhaite adopter un régime libéralisé doit d’abord informer son personnel des raisons qui motivent ce changement. Ce groupe devrait comprendre les médecins et infirmières, le personnel de soutien et le personnel des services alimentaires afin de s’assurer qu’un message uniforme soit communiqué aux résidents et à leurs familles. Si des données scientifiques supplémentaires sont nécessaires pour convaincre ces personnes, il existe plusieurs organisations qui ont déjà approuvé cette approche dans un cadre de soins de longue durée. Ainsi, le Pioneer Network, l’American Dietetic Association ainsi que le document Planification des menus dans le cadre de soins de longue durée (2020) des Diététistes du Canada contiennent tous des informations utiles sur cette approche et sur les raisons pour lesquelles elle devrait être envisagée. Ces documents peuvent être utilisés pour justifier l’adoption de régimes libéralisés dans votre établissement.

Une fois que le personnel clinique a été informé, des séances d’information distinctes devraient être organisées à l’intention des résidents et des membres de leur famille. Ces séances doivent être axées sur les raisons des changements, le fait qu’ils sont sécuritaires, et l’amélioration de l’expérience alimentaire des résidents. Des exemples précis d’aliments qui seraient désormais autorisés et qui ne l’étaient pas dans le passé contribueront à rendre les régimes libéralisés plus attrayants pour les résidents. Les séances doivent prévoir un temps suffisant pour répondre aux questions des résidents ou des membres de la famille. Parallèlement aux présentations pour les résidents et leur famille, et les formations pour le personnel, il faudra commencer à préparer les menus selon l’approche libéralisée.

L’aspect le plus important dans l’adoption d’un régime libéralisé est de s’assurer que le régime régulier continuera à répondre aux besoins des résidents, même s’ils souffrent de diabète, d’hypertension ou de maladies cardiaques. Pour ces résidents, la perte de poids constitue généralement une plus grande menace pour leur santé que le maintien de niveaux stricts de glycémie, de pression artérielle ou de cholestérol. Cependant, on ne peut pas simplement éliminer les régimes thérapeutiques et offrir le régime régulier à tous les résidents sans y apporter quelques ajustements. Pour les personnes diabétiques en particulier, le type de glucides n’est pas aussi important que le moment et la régularité des quantités reçues. Il n’y a pas de problème à manger un morceau de gâteau au souper, pourvu que la quantité de glucides à chaque repas soit stable d’un jour à l’autre. Cette approche, appelée « glucides réguliers », est recommandée aux personnes diabétiques dans les établissements de soins.

Il n’est généralement pas recommandé de limiter le sodium ou les matières grasses, même pour les personnes souffrant d’hypertension ou de maladies cardiaques et vivant en résidence, car ces nutriments augmentent la palatabilité des aliments et permettent de s’assurer que les résidents mangent suffisamment. Ce constat est appuyé par le document de l’Ordre des diététistes nutritionnistes du Québec et des diététistes du Canada, Planification des menus en soins de longue durée (2020), qui recommande moins de 3 500 mg de sodium par jour et 30 à 35 % des calories provenant des matières grasses. Ces deux quantités sont supérieures à ce qui est recommandé pour une personne en bonne santé vivant de façon autonome, ce qui souligne l’approche plus souple pour les personnes vivant en milieu de soins de longue durée. En plus des glucides réguliers et des quantités plus généreuses de sodium et de matières grasses, la répartition uniforme des protéines entre les repas a été prouvée comme étant efficace pour réduire la perte de poids involontaire chez les personnes âgées et devrait être prise en compte dans tous les menus de soins de longue durée.

La meilleure façon d’évaluer un menu avec précision sur le plan nutritionnel est d’utiliser un logiciel de gestion des recettes et des menus tel que l’outil création-menus disponible sur eGESPRA. L’adoption de l’approche libéralisée pour un menu rend l’utilisation d’un logiciel encore plus importante, afin de s’assurer que les nutriments essentiels soient offerts dans les bonnes quantités. Tout logiciel envisagé devrait comporter des recettes standardisées, des menus cycliques et une analyse des nutriments pour les deux. S’il est utilisé, le logiciel de menu permettra d’élaborer des régimes libéralisés et d’analyser les éléments nutritionnels d’un menu régulier libéralisé.

Enfin, si vous choisissez d’adopter des régimes libéralisés et d’éliminer certains de vos régimes thérapeutiques, n’oubliez pas qu’il y aura toujours des exceptions au menu régulier pour certains résidents. Bien que les recommandations ci-dessus constituent les pratiques exemplaires en matière d’élaboration de menus, l’approche libéralisée ne conviendra pas à tous les résidents. C’est là que le personnel clinique devra élaborer des plans alimentaires individuels ou des modifications au menu standard, comme c’est probablement déjà le cas. Ce processus ne changera pas ; cependant, le menu par défaut pour les nouveaux résidents sera le menu régulier jusqu’à ce qu’il y ait une raison de le changer, et non l’inverse.

Dans un contexte où la qualité de vie des résidents dans les résidences pour personnes âgées est de plus en plus importante et où les facteurs de risque pour les résidents en milieu de soins sont mieux compris, les régimes alimentaires libéralisés ne sont plus une tendance avant-gardiste ; ils sont désormais une approche à envisager pour toutes les résidences.

GESPRA peut vous aider à mettre en place un régime libéralisé dans votre résidence en vous fournissant des programmes de menus conformes à cette approche, ainsi qu’un logiciel de gestion des menus qui répondra à vos besoins en la matière.

Sarah Trudelle, RD
Diététiste professionnelle bilingue
Complete Purchasing Services/GESPRA

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