Rose, âgée de 67 ans, vit avec une déficience intellectuelle et réside dans une Ressource Intermédiaire où elle se sent bien. Cependant, des changements récents dans son comportement ont rendu l’assistance du personnel plus difficile. Ils ont également observé que Rose, une peintre émérite, a cessé de pratiquer cette passion qui lui apporte tant de bonheur. Une visite à la clinique médicale est donc indiquée. Le médecin a ajusté ses traitements, mais la question demeure : le bon médicament a-t-il été choisi pour la bonne raison?

La médication est un incontournable dans le traitement de plusieurs pathologies, mais elle peut également entraîner des problèmes de santé. Trouver l’équilibre n’est pas chose simple! Cet équilibre est essentiel, mais il est complexe et difficile à atteindre. Les médicaments nécessitent un suivi rigoureux et constant afin de dépister les problèmes potentiels, mais souvent, leur pertinence n’est pas réévaluée.

Parfois, la déprescription peut faire plus de bien qu’une nouvelle prescription.

État global de la situation au Canada

Les ordonnances ont tendance à s’accumuler avec le vieillissement. D’un autre côté, le corps élimine plus lentement la médication, les reins et le foie sont moins efficaces et le cerveau devient plus sensible aux effets de la médication. C’est pourquoi il est primordial d’être à l’affut des situations indésirables. Plus on prend de médicaments, plus il est important d’être vigilant, surtout lorsque le corps vieillit.

Selon le Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription, on parle de polypharmacie lorsqu’on prend plus de 5 médicaments. Cela augmente les risques d’effets secondaires, d’interactions médicamenteuses et d’hospitalisations.

2 Canadiens sur 3 âgés de 65 ans et plus prennent au moins 5 médicaments d’ordonnance (ICIS 2018), la situation est donc préoccupante.

Parmi ces médicaments, certains sont classés à haut risque (ex. : les antipsychotiques), et sont davantage responsables d’entraîner des effets indésirables alarmants :

  • Chutes et fractures
  • Problèmes de mémoire
  • Hospitalisations
  • Perte prématurée de l’autonomie

De plus, les femmes atteintes de plusieurs maladies chroniques et âgées de plus de 65 ans se retrouvent dans le groupe de population le plus à risque.

Viser l’équilibre : comment y parvenir?

Rose prend son nouveau médicament depuis trois semaines. Elle ne se sent pas bien et montre des comportements plus agressifs. Le personnel décide donc de lui administrer un autre médicament pour diminuer son agressivité. Est-ce la solution?

La coordonnatrice a fait part de ses inquiétudes à son infirmière. Appliquant les lignes directrices du MSSS et sa démarche pour une utilisation optimale des médicaments en hébergement de longue durée, l’infirmière-chef a procédé à une évaluation complète. Par la suite, elle a contacté le pharmacien afin de discuter du cas clinique de Rose.

Le pharmacien est un acteur clé, et sa contribution ainsi que son évaluation en lien avec l’approche VIGIE, sont primordiaux et essentiels à inclure dans la boucle d’une évaluation clinique complète et saine.

Déprescrire pour obtenir des gains cliniques

La déprescription n’est pas monnaie courante, mais saviez-vous que celle-ci fait partie d’une démarche intégrée au niveau provincial?

La déprescription est la réduction de dose ou la cessation d’un médicament qui n’a plus d’effet bénéfique ou qui risque de nuire au patient. La déprescription est un processus planifié et supervisé. Le but de la déprescription est de maintenir ou d’améliorer la qualité de vie.

Grâce à une multitude d’outils, le professionnel est en mesure de bien orchestrer la déprescription. En combinant l’Utilisation appropriée des antipsychotiques et le guide sur la Déprescription des antipsychotiques, le personnel possède les astuces efficaces à mettre en place afin de régulariser la situation vécue par l’usager.

En effet, il a été démontré que la déprescription, en lien avec le programme OPUS-AP du MSSS, a un succès non négligeable, et que la stratégie devrait être déployée plus largement :

  • Succès dans 77,1% des cas
  • 47,1% par une cessation du médicament
  • 30% par une diminution du médicament

Force est de constater que la déprescription est une stratégie à adopter pour obtenir des gains cliniques, des usagers confortables, tout en conservant la thérapie médicamenteuse lorsque cela est approprié.

La technologie à la rescousse

Les erreurs de médication et l’utilisation de PRN (médicament au besoin) viennent parfois mêler les cartes et empêcher le personnel et le pharmacien de prendre des décisions éclairées sur la déprescription. Après tout, peut-être que le changement de comportement de Rose est lié à une erreur de médication qui se répète depuis quelques jours ou à un changement dans les doses de PRN administrées par un nouveau membre de l’équipe.

Avec un système papier, il est difficile de prévenir les erreurs et de tirer des données fiables (et lisibles 😊) sur l’administration des PRN. En revanche, avec un FADM électronique, on prévient les erreurs et on obtient une traçabilité complète. On peut donc avoir une grande confiance sur l’observance et la consommation des PRN. La voie est alors libre pour adopter des stratégies de déprescription.

La bonne thérapie adaptée à chaque situation

Rose va nettement mieux. Son profil a été ajusté et les bons médicaments ont été ciblés.  Elle a recommencé à peindre, est redevenue souriante, et le personnel est soulagé et heureux de retrouver la Rose qu’ils connaissaient. Un seul médicament peut causer une tempête dans un verre d’eau!

Trouver l’équilibre entre les avantages et les inconvénients de la médication est ardu, mais possible à atteindre. En équipe multidisciplinaire (RI, pharmacien et médecin), en ayant le patient au centre des préoccupations et en utilisant les bons outils, la déprescription est une stratégie envisageable et reconnue mondialement.

Saurez-vous relever le défi de la déprescription et devenir des pionniers dans le domaine? 71% des personnes aînées canadiennes sont prêtes à arrêter un médicament si leur médecin leur disait que c’est possible (Sirois et al. 2017). Sachez que les personnes hébergées sont prêtes!

Priscilla Rhéaume, B. Sc. Infirmière

Gestionnaire des services professionnels et cliniques

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