Dans le langage courant, plusieurs formules expriment l’intention de séparer la vie professionnelle de la vie personnelle, par exemple « Laissez vos problèmes personnels à la maison! ». La violence conjugale ne respecte pas cette frontière. Elle peut déborder dans la sphère du travail et perturber le climat organisationnel et la sécurité du personnel.

La prévalence de la violence conjugale est alarmante. Ce fléau touche des milliers de personnes au Québec, sans distinction de classe, d’emploi ou de milieu de travail. Ces victimes, même si elles sont majoritairement des femmes, peuvent aussi être des hommes.

La recherche relate que cette violence se poursuit ou exerce une pression au travail pour de nombreuses victimes, ce qui peut avoir des effets sur leur bien-être et leur productivité. De plus, il peut être plus facile pour l’agresseur de localiser sa victime à son travail, ce qui la rend plus vulnérable et expose l’ensemble de son milieu de travail aux conséquences néfastes de la violence conjugale.

Cette réalité a interpellé les autorités et depuis la législation en matière de santé et de sécurité du travail (SST) a évolué pour la prendre en compte. La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) ajoute une responsabilité explicite aux employeurs en matière de prévention de la violence en SST, qu’elle soit physique ou psychologique, y compris en matière de la violence conjugale au travail. Voyons les raisons qui soutiennent cette modification législative pour amorcer une réflexion constructive sur la prévention de ce risque.

Qu’est-ce que la violence conjugale?

Selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), « La violence conjugale peut être exercée par l’une ou l’autre des personnes qui composent une relation maritale, extraconjugale ou amoureuse. [Elle] suit un cycle précis chez l’agresseur. […] La violence conjugale peut se manifester sous forme de violence physique, psychologique, sexuelle et économique. Elle peut aussi se produire en ligne, sous forme de cyberviolence. »

En d’autres mots, cette violence se réalise au sein d’une relation intime actuelle ou passée. L’agresseur peut déployer sa force physique sur sa victime, comme lui donner des coups, lui lancer des objets ou la pousser. Il peut également l’atteindre psychologiquement en l’humiliant, en la menaçant, ou en la dénigrant. L’ensemble de ces agressions peut aussi être perpétré sur le plan sexuel, comme le viol ou l’imposition de pratiques sexuelles non consentantes, en vue d’assurer une prise de contrôle sur l’autre.

Dans le même sens, un rapport de pouvoir peut être installé sur le plan économique. L’agresseur peut brimer l’autonomie financière de sa victime pour la rendre dépendante de lui ou l’exploiter financièrement. Enfin, toutes ces agressions peuvent être médiées par des technologies numériques ou le Web.

Responsabilité de l’employeur

Un employeur doit assurer le bien-être physique et psychique du personnel, il s’agit d’une priorité en SST. Ajouter des obligations légales en ce qui concerne la violence conjugale permet de protéger le personnel en minimisant l’exposition aux risques. Le maintien du lien d’emploi et la protection du revenu des victimes renforcent la capacité de celles-ci à se soustraire à la violence conjugale. Pour y parvenir, il faut prévoir une démarche de prévention : identifier ce risque, mettre en place des mesures correctives et des moyens de contrôle.

Il faut donc intégrer la prévention de la violence conjugale à son programme ou son plan d’action en prévention de la violence. Politiques, procédures, formations ou campagnes de sensibilisation sont toutes des moyens qui affirment un engagement à protéger l’intégrité physique et psychologique du personnel.

De plus, l’employeur doit offrir un filet de sécurité en soutenant son personnel aux prises avec une situation de violence conjugale. Cela s’exprime par des actions clés : sensibiliser, diriger vers des ressources d’aide, mettre en place des mesures de soutien, comme des ajustements d’horaires ou de poste de travail, pour aider les victimes à faire face à leur situation. De manière générale, l’employeur doit encourager le personnel à signaler les cas de violence conjugale, avec le consentement de la victime à moins d’un danger imminent (ex. : menaces de mort proférée à l’égard d’un membre du personnel). Il est essentiel de garantir les modalités de la confidentialité aux personnes qui dévoilent leur situation.

En intégrant la gestion de cette forme de violence dans la prise en charge de la SST, les organisations maximisent la sécurité de l’environnement de travail. Adopter un rôle proactif en matière de SST et de responsabilité sociale s’avère une formule gagnante. Cela renforce la réputation de l’employeur en envoyant un message fort : ici, nous sommes soucieux du bien-être de notre personnel!

Responsabilité éthique et collective

Outre l’obligation légale, la prévention de la violence conjugale demeure aussi une responsabilité éthique et collective. En effet, les employeurs ne sont pas les seuls à devoir mettre en place des mesures préventives. Les collègues et les syndicats doivent également s’impliquer pour la prévenir. Tous les protagonistes doivent adopter de bonnes pratiques en SST en s’appuyant sur des critères moraux, comme le respect des droits de la personne ou de la justice sociale.

Tout doit être mis en œuvre pour sensibiliser le personnel à cette problématique. Cela favorise une culture de travail respectueuse où chacune des personnes peut se sentir soutenue et en sécurité. Le personnel doit prendre conscience des risques que représente la violence conjugale et du rôle qu’il peut jouer dans son environnement de travail pour la prévenir. Il doit être en mesure d’en identifier les signes (ex. : des blessures inexplicables, un changement de comportement ou des absences fréquentes). En cas de soupçons de violence conjugale, il faut être capable d’offrir son soutien, dans le respect et la confidentialité. S’il y a un danger imminent ou qu’une personne est témoin d’une scène de violence, elle doit le signaler à l’employeur.

Ainsi, la prévention de la violence conjugale en SST nécessite de la sensibilisation, de la formation, du soutien et de la coordination. En travaillant ensemble, nous pouvons créer des milieux de travail sécuritaires, bienveillants et respectueux, où le personnel peut s’épanouir sans craindre une exposition aux risques de la violence conjugale.

La SST, une affaire de cœur et de raison

La LMRSST oblige les employeurs à prévenir la violence conjugale au travail. Ce faisant, elle encourage leur engagement en matière de SST, de responsabilité sociale et de soutien aux victimes. À son tour, cet engagement à créer un environnement de travail plus sécuritaire contribue à la lutte pour l’élimination de la violence conjugale dans notre société.

La prise en charge de la violence conjugale est à la fois une obligation collective, éthique et légale. C’est une démarche où le cœur et la raison se rejoignent pour le bien de tous. Dans le prochain article, nous vous ferons part de conseils pratiques pour une prise en charge efficace. Nous explorerons aussi les différents rôles que vous pouvez jouer pour prévenir la violence conjugale en milieu de travail.

Cet article a été a adapté et paru originalement dans la revue Objectif prévention.

Ressources d’aide :

  • Si votre sécurité et/ou vie est en danger, contacter le 911
  • Pour parler à un intervenant spécialisé en violence, contactez :
    Info-Social au 811 option 2
    SOS violence conjugale au 1-800-363-9010
  • Vous pouvez également contacter l’une des maisons d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales, le plus près de chez vous.
    Services gratuits et confidentiels
    24 heures par jour, 7 jours par semaine

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